Faut que je vide mon sac. Si vous n'avez pas le moral allez voir les bikinis chez La baronne et laissez tomber mon article.
Il y a 15 jours, la terreur de ma classe, vient me voir et me dit : "aujourd'hui, me taper pas, maîtresse". Intérieurement : si j'avais déjà pû le faire, je t'aurai dévissé la tête depuis belle
lurette.
Professionnelle jusqu'au bout je m'informe : 'parce que d'habitude je te tape ?
- nan mais façon de parler, quoi (rajoutez l'accent fresch, wesh, zy va).
- Mais pourquoi me demandes-tu ça alors ?
Et de me montrer son poignet bandé : parcequ'hier, je m'emmerdais, alors je me suis taillé le poignet.
Je l'avoue, j'ai eu un moment de blanc total. Ma réponse fut à la hauteur de la vrille intersidérale qui m'a habitée : Mais voyons, L. Quand tu t'ennuies, prends donc un livre !
Et la voilà qui part voir ses potes pour leur raconter le pourquoi du comment du bandage.
A la pause méridienne, je file chez le directeur, je raconte. Il me recadre : je n'ai pas le droit de regarder sous le pansement, je ne peux que prendre l'info, lui transmettre, il fait un
signalement.
Début d'après-midi : plus de pansement. Je lui demande, elle me dit que c'est guerri. Je lui demande si je peux regarder sa blessure (allez hop, j'ai l'estomac accroché), pas de souci. Tout petit
bobo de rien du tout. OUF !
Après la classe, retour chez le directeur : ok, mais signalement quand même, on ne raconte pas innocemment ces histoires-là.
Discussion dans la semaine avec les collègues. Ah, mais c'est L. Ses trois frêres ainés ont été placés pour maltraitance, il ne reste à la maison qu'elle et son frêre, la famille a pu les garder
avec l'aide d'un travail de fond d'une assistante sociale. ok, sympa de l'apprendre aussi tard, ça m'aurait peut-être évité des impasses péda avec elle si je l'avais su avant...
Bon, allez, n'en parlons plus, j'ai la miss à l'oeil.
Ce matin, bruit qui court, elle se fait chambrée par tout le monde pour une histoire de pyjama. Bon. Arrivés en classe, elle garde son blouson. Tu as froid ? Oui, me répond-elle sur un ton pitt
bull. Bon. On se met au boulot, mais pas elle. Je reviens vers elle, une tête de gorgone. Quelque chose ne va pas ? NAN. Ok, je la laisse tranquille, elle ne dérange personne. Je zyeute quand
même sa tenue : un joli caleçon en coton tout rayé, façon printemps. Le doute s'immisce en moi. Arrive l'intervenant d'allemand. Pas eu le temps de le prévenir (pas eu l'idée). Il voit qu'elle ne
fait rien, il la reprend, je vois ma miss en préparation de réponse pas tout à fait adaptée à l'adresse d'un adulte respectable. Je lui demande de venir avec moi dans l'atelier (cette école est
super bien conçue mais c'est une autre histoire). Elle bougonne, je lui saisie le bras et l'entraîne (elle se laisse plutôt faire en fait).
Entre 4 yeux, elle finit par demi-craquer : oui elle est en pyjama, et elle va niquer tous les morts de ceux qui se sont foutus de sa gueule. (je pense qu'elle voulait dire qu'elle irait cracher
sur leur tombe). A priori, c'est elle qui n'a pas eu le temps de s'habiller (je doute mais ne dit rien).
après son flot de colère fleuri, je fais un deal : elle a le droit de rester dans l'atelier, y compris pendant la récréation MAIS elle ne demande pas à son cousin de venir niquer toutes les
familles et tous les morts etc... Elle est d'accord et à midi, elle pourra aller chez elle se changer. elle me demande même du travail pour la récré !
Cet après-midi, jean, et même T-shirt que le matin, donc elle garde la doudoune (c'est quand même un des jours les plus froids). C'est ok. Je la vois, à un moment, déposer sur mon bureau un
papier. Quand j'ai 2' de libre, je vais voir. Une lettre d'excuses, une demande de compréhension et surtout cette dernière phrase (je ne me souviens plus des erreurs de français, je vous livre la
version corrigée) : j'aurai beaucoup d'autre chose à dire, mais voilà.
Mon estomac bien accroché a vrillé. Discrètement je la remercie de sa lettre, qu'elle sache qu'il y a des moments, la colère doit sortir, tant mieux qu'elle ait pu le faire sans dommage.
Dès la fin de la classe, direct chez le dirlo. Il me dit de garder cet écrit, d'en parler à la psy et sans avoir l'air d'y toucher, essayer de continuer cette relation de confiance ou cette
demande d'aide que semble tisser L. ...
Ben oui.
Bon WE, petite louloute, je te promets, je ferai pour toi tout ce qui est dans mes capacités, avec l'aide de professionnels.